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Photo du rédacteurRincent Air

Lien entre la pollution de l’air et la COVID-19


Il n’existe à l’heure actuelle aucun consensus quant à l’existence scientifiquement démontrée d’un lien causal entre la variation du nombre de cas d’infections ou de mortalités dues à la COVID-19 et l’exposition à la pollution atmosphérique, notamment aux particules fines.


Des faisceaux d’indices, à travers différents avis d’experts, commentaires ou articles en prépublication (c’est-à-dire des études préliminaires qui n'ont pas fait l'objet d'un examen par les pairs) semblent confirmer cette hypothèse. Cependant le rôle des particules fines et ultrafines en tant que vecteur de déplacement du SARS-CoV-2 n’a pas été formellement démontré et le fait que l’augmentation des concentrations de particules dans l’air ambiant serait corrélée à une augmentation du nombre de contaminations, voire une surmortalité, reste soumis à discussion au moment de l’écriture de ces lignes (8 mai 2020). Cet article non exhaustif passe en revue les différentes publications sur le sujet depuis les 2 derniers mois.


Quelles sont les avancées scientifiques ?


Un article publié le 10 mars 2020 (prépublication) rapporte la recherche effectuée par des scientifiques chinois de la présence du coronavirus dans des échantillons d'air des hôpitaux de Wuhan. Les concentrations les plus importantes sont retrouvées dans les toilettes, dans les salles du personnel médical, et dans la pièce qui permet au personnel de retirer ses équipements de protection. D’après les auteurs, ces résultats indiquent que les aérosols chargés en SARS-CoV-2 pourraient être remis en suspension par le retrait des protections, le nettoyage des sols ou le déplacement du personnel, et constituer une nouvelle voie de transmission. Il est cependant à noter que si les chercheurs ont réussi à caractériser la présence d'ARN viral dans les échantillons d’air, cela ne signifie pas que le virus a la capacité d’infecter l’Homme.


Une étude similaire a été menée dans un centre de lutte contre l'épidémie dédié au traitement des personnes atteintes de la COVID-19 à Singapour. Les chercheurs indiquent ne pas avoir identifier la présence de SARS-CoV-2 dans les échantillons d'air prélevés dans les salles d'isolement des patients. Seuls des échantillons de surface provenant d'un ventilateur de sortie d'air ont renvoyé un résultat positif, mais les auteurs ont déclaré que la sortie d'air était suffisamment proche d'un patient atteint par le coronavirus et aurait pu être contaminée par des gouttelettes respiratoires provenant d'une toux ou d'un éternuement. Une autre étude en prépublication indique que des chercheurs américains ont retrouvé de l'ARN viral dans environ deux tiers des échantillons d'air prélevés dans des chambres d'isolement des personnes atteintes sévèrement par la COVID-19 et dans une installation de quarantaine abritant des personnes atteintes de symptômes bénins. Les échantillons de surfaces des grilles de ventilation ont également été testées positives. Cependant aucun des échantillons d'air prélevés "positifs" n'était infectieux en culture cellulaire.

La Société italienne de médecine environnementale (SIMA) indique dans une note publiée le 16 mars 2020 que les effets sanitaires déjà connus de la pollution de l’air dans les zone urbaines (hypertension, diabète, maladies respiratoires) pourraient aggraver la situation épidémique. La note indique également que la pollution atmosphérique par les particules fines pourrait contribuer à la propagation de la COVID-19 car les aérosols pourraient constituer un milieu favorable à la survie du virus et à son transport dans l’air sur des longues distances, augmentant ainsi le taux de contamination dans les zones polluées.


Le 16 mars 2020, l'European Public Health Alliance (EPHA) a mis en garde les habitants des villes polluées contre la COVID-19 en se basant sur une étude de 2003 qui démontrait que les victimes de l’épidémie de SRAS de 2003 avaient un risque de décès accru de 84 % s’ils habitaient dans une zone modérément polluée par rapport à ceux vivant dans une zone peu polluée. Selon les chercheurs, l'explication indirecte pourrait être qu'une exposition à court ou long terme à certains polluants atmosphériques provoque des insuffisances respiratoires augmentant ainsi le taux de mortalité du SRAS. Parmi les différents biais discutés par les auteurs de l'étude, ils indiquent notamment n'avoir aucune donnée sur la répartition entre la pollution atmosphérique et les facteurs de confusion potentiels tels que le statut socio-économique, le tabagisme, l'âge et le sexe des personnes décédées.

Un commentaire publié le 17 mars 2020 (et mis à jour le 16 avril 2020) dans The New England Journal of Medicine, présente une comparaison de la viabilité du SARS-CoV-2 (virus responsable de la pandémie de COVID-19) et du SARS-CoV-1 (virus responsable de l’épidémie de SRAS en 2002-2004). Les chercheurs ont étudié la durée de vie du SARS-CoV-2 testée en laboratoire dans différentes conditions environnementales (aérosols, plastique, acier inoxydable, cuivre et carton). Les résultats indiquent que le coronavirus est resté viable pendant 3 heures dans les aérosols (durée maximale de l’expérience) avec néanmoins une diminution du titre infectieux.

Le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) a publié le 17 mars 2020 un avis relatif à la réduction du risque de transmission du SARS-CoV-2 par la ventilation et à la gestion des effluents des patients COVID-19 dans lequel il indique que "certaines publications mentionnent que, comme tout micro-organisme, le SARS-CoV-2 pourrait être diffusé par des aérosols formés lors de procédures médicales ou d’aérosols expérimentaux. Le SARS-CoV-2 a été détecté par RT-PCR en divers endroits d’une chambre accueillant un patient infecté, suggérant une émission dans l’air de la chambre. Toutefois la présence d’un virus dans l’air ne signifie pas qu’il est infectieux ni qu’il y a une transmission respiratoire de type « air ». Il n’existe pas d’études prouvant une transmission interhumaine du virus par des aérosols sur de longues distances. Néanmoins, s’il existe, ce mode de transmission n’est pas le mode de transmission majoritaire".

L'Italian Aerosol Society (IAS) ajoute à ce sujet dans une note publiée le 20 mars 2020 que si les corrélations entre pollution de l’air par les particules et prévalence de la maladie sont avérées, aucun lien de cause à effet n’a encore été scientifiquement démontré entre pollution par les particules et dissémination du virus. Elle invite la communauté scientifique à faire preuve d’une grande prudence dans l’interprétation des données disponibles (qui sont à l’heure actuelle très limitées) et attendre que cette hypothèse soit validée avec précision par des recherches approfondies sur le sujet. La note précise d’ailleurs que la covariance entre les conditions de mauvaise circulation atmosphérique, la formation d'aérosols secondaires, l'accumulation de particules près du sol et la propagation du virus ne doit cependant pas être confondue avec une relation de cause à effet.


NB : l’IAS a été fondée en 2008 et compte parmi ses membres environ 150 chercheurs experts sur les problèmes de particules atmosphériques provenant d'universités et divers organismes de recherche publiques et privés.

L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a publié une note le 27 mars 2020 indiquant que les résultats sur le sujet n’était à l’heure actuelle pas assez concluant. Elle précise d’ailleurs, concernant l'article publié dans The New England Journal of Medecine que les appareils utilisés pour générer les aérosols sont beaucoup trop puissants pour refléter des toux ou éternuements humains normaux. L’OMS précise que selon les preuves actuellement disponibles, la transmission aéroportée par le biais de gouttelettes qui se propagent dans l'air à des distances supérieures à un mètre est limitée à des procédures générant des aérosols pendant les soins cliniques des patients atteints de la COVID-19.

Atmo France indique dans une note publiée le 27 mars 2020 que la pollution de l'air fragilise les voies respiratoires et rend les organismes plus vulnérables. Une exposition chronique à la pollution de l’air, qui peut être à l'origine de nombreuses affections (inflammation des voies respiratoires, hypertension, diabètes…), est considérée comme facteur aggravant des impacts lors de la contagion par la COVID-19.


Une étude scientifique américaine publiée début avril 2020 indique qu’une faible hausse de l’exposition long-terme à des concentrations de PM2.5 dans l’air ambiant (+1 μg/m3) est liée à une augmentation significative du taux de mortalité de la COVID-19 (+8 %) aux Etats-Unis. Cette étude robuste a été mise à jour à plusieurs reprises durant le mois d’avril afin d’ajuster l’analyse avec la prise en compte de facteurs de « confusion » comme la taille de la population, la répartition par âge, la densité de la population, le nombre de personnes testées, les données sur l'obésité et le tabagisme…. Le pourcentage de 8 % pourrait donc avoir évolué depuis la rédaction de cet article.

L’association Respire a déposé un référé-liberté au Conseil d’Etat le 7 avril 2020. L’association, par la voix de son avocate Corinne Lepage, demande à l’état l’application immédiate (et ce jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire) des mesures de restriction des épandages agricoles prévues normalement en cas de pics de pollution afin de limiter l’augmentation des concentrations en particules fines secondaires, responsables chaque année durant cette période de pics de pollution aux particules et donc susceptible selon l’association d’aggraver l’épidémie. Cette demande a été rejetée par le Conseil d’Etat le 20 avril en précisant notamment que les « trois principales études sur lesquelles l'association requérante fondait sa requête et les éléments apportés lors de l’audience ne permettaient pas de conclure à la nécessité de prendre des mesures complémentaires ».

Une autre étude publiée dans la revue Science of the Total Environment par des chercheurs chinois s’est attachée à établir une corrélation dans 120 villes chinoises entre janvier et février 2020 entre le nombre de nouveaux cas de COVID-19 confirmés, les concentrations des six principaux polluants atmosphériques (PM10, PM2.5, NO2, SO2, CO, O3) et les conditions météorologiques. Les auteurs ont déterminé des associations significatives entre l’augmentation des concentrations des particules (PM10 et PM2.5), du NO2 et de l’O3 et du nombre de cas confirmés. Néanmoins ils précisent qu'ils se sont attachés à mettre en évidence ces liens sans pour autant étudier leur causalité.


De même, un article publié le 10 avril 2020 par plusieurs chercheurs européens dans The Journal of Infection indique une corrélation entre les foyers d’infection les plus importants de la COVID-19 en Chine et en Italie et la pollution de l’air aux particules fines (PM2.5). Enfin, une communication publiée le 11 avril 2020 dans la revue Science of the Total Environment par un chercheur allemand indique qu’une analyse spatiale a été menée dans 66 régions d'Italie, d'Espagne, de France et d'Allemagne et met en lumière qu’environ 80 % des décès dus à la COVID-19 seraient survenus dans les cinq régions affichant les plus forts niveaux de concentration de NO2 et des conditions météorologiques défavorables à la dispersion de la pollution atmosphérique.

Dans une étude menée par des chercheurs néerlandais (postée en prépublication le 17 avril 2020), des furets sains ont été placés à environ dix centimètres de distance de furets infectés par voie intranasale par le SARS-CoV-2 (les furets étaient placés dans des cages et séparés par des grilles en acier). Les résultats ont montré que 3 furets sains sur 4 ont été infectés entre 3 et 7 jours après l’exposition. Les auteurs indiquent qu’ils s’agit d’une preuve expérimentale robuste de transmission du SARS-CoV-2 dans l’air ambiant (via des gouttelettes respiratoires ou des aérosols). Cependant les furets étaient distants de seulement 10 cm (distance non représentative de la grande majorité des situations) et l’étude n'a pas permis de déterminer la distance maximale que pouvait parcourir le coronavirus. Ils précisent que leur prochaine étude se concentrera sur la transmission du virus par l’air sur une plus grande distance, et donc uniquement via des aérosols.


Corrélation et causalité ?


L’état des connaissances scientifiques actuelles ne permet pas aujourd'hui de savoir si le virus se propage dans l’air autrement que via des "grosses" gouttelettes de salive. Aucune étude scientifique validée n'a démontré un lien de causalité entre la pollution aux particules fines et la diffusion du coronavirus, qui permettrait de le transporter plus loin que la distance sociale recommandée par les instances sanitaires (au moins 1 mètre). De nombreux médias se sont pourtant fait l'écho de certaines de ces études lors des dernières semaines, mettant parfois en lumière une réelle confusion entre corrélation et causalité. Si de nombreuses études ont en effet indiqué un "lien" entre la pollution aux particules fines et le nombre de cas ou de morts de la COVID-19, plusieurs causalités directes et indirectes peuvent être logiquement attribuées à cette corrélation, comme la densité de population ou l'impact de la pollution sur les comorbidités.

Plus la densité de population est élevée plus le virus circule et infecte des individus. Par ailleurs, plus la densité de population est élevée plus la pollution atmosphérique est significative, c'est le cas dans l'immense majorité des grandes agglomérations. Ainsi la coïncidence de ces deux causalités peut permettre de justifier (au moins en partie) la corrélation observée sans qu'il n'y ait aucune causalité entre la pollution particulaire et la propagation du virus. De nombreux autres facteurs de confusion existent dans les grandes agglomérations qui ont été les plus touchées (Milan, Londres, Paris, New-York) : brassage d'une population mondialisée (avant la fermetures des aéroports), présence importante de transports en commun et fréquentation associée, proportion plus grande des minorités...

Bien sûr, il est aujourd'hui avéré par de très nombreuses recherches sur le sujet que la pollution atmosphérique, notamment aux particules, a un impact néfaste sur la santé, en particulier chez les personnes les plus vulnérables (développement de pathologies respiratoires et cardiovasculaires, diabète...). Les instances sanitaires nationales et internationales ont indiqué que l'existence de ces comorbidités chez des patients atteints de la maladie COVID-19 contribuait à l'augmentation du nombre de cas graves et du taux de mortalité. On peut donc ici parler d'un lien de causalité biologique indirect qui ne justifie pourtant pas une transmission possible du virus par les particules fines.


L'interprétation causale d'un lien statistique significatif entre deux séries de données peut s'avérer périlleuse si elle n'est pas menée avec rigueur (en prenant soin d'écarter de façon la plus exhaustive possible l'ensemble des cofacteurs pouvant amener à une interférence causale). En l'état actuel des connaissances, il convient donc de rester prudent.

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